Les Héros et Déchus d'Argana by Landry Blodwyn | World Anvil Manuscripts | World Anvil

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Hilmira Balertt - Le Monstre

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Hilmira Balertt - Le Monstre

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Il observa longuement ses doigts. La paume de ses mains. Ses avant-bras. Plus le temps passait, plus sa peau noircissait, arborant quelques reflets violacés et étranges. Il tremblait. Ses yeux vrillaient. Son souffle s’écourtait.

—   Seigneur Balertt ? Intervint une voix masculine.

Le cinquantenaire écarquilla les yeux et dissimula ses mains en recroquevillant ses bras contre son torse. Il tourna la tête d’un geste vif et poussa un soupir de soulagement.

—   Vous m’avez fait peur.

L’homme qui se tenait au seuil de la porte s’avança vers Hilmira et lui demanda d’une voix calme :

—   Tout va bien ?

Le Seigneur hésita et dévoila à nouveau ses mains violettes. Il expira un bon coup et répondit d’une voix lasse :

—   Non, pas vraiment….

—   Vous devriez vraiment voir un médecin, Seigneur. Cela devient inquiétant.

—   Ismarah, réfléchissez. Si je montre cela à un médecin, il va me diagnostiquer une malédiction et l’on m’enverra en prison. Et je serai condamné… à mort.

Hilmira baissa la tête et gratta le sol en pierre de sa chambre. Il retira ensuite le surplus de poussière coincé à l’intérieur de ses ongles et se redressa pour faire face à son officier. Ismarah était le soldat le plus remarquable et courageux de son armée, selon le Seigneur, mais il était également un grand ami et confident qui l’épaulait et le soutenait. Car, au-delà de cette étrange peau noire et violette, Hilmira était pris de crise de folie qui le poussait à être violent. Cela lui arrivait également de se faire du mal en se mutilant, et que plus d’une fois ses blessures qu’il s’infligeait s’avéraient graves.

Il avait la désagréable sensation qu’un esprit maléfique le hantait. Qu’une essence du mal avait pris possession d’une partie de son corps ainsi que de son âme. Cela avait commencé il y a bien plus de vingt ans de cela, lorsqu’il s’était blessé avec une dague mystérieuse qui déployait une aura diabolique. Depuis ce jour, cette démence ne faisait que croître. Et ce jour-là, Hilmira se sentait impuissant face au sombre dessein qui s’offrait à lui.

 

Ismarah posa délicatement sa main sur l’épaule du Seigneur et lui assura :

—   Vous êtes quelqu’un de fort, Seigneur Balertt. Votre volonté face à cette malédiction est remarquable.

—   Je vous remercie, Ismarah.

Hilmira lui offrit un maigre sourire et observa brièvement ses cheveux bruns. Il remarqua les quelques mèches grises qui taquinaient la chevelure obscure de son officier. Il les effleura à peine et le taquina :

—   On prend un coup de vieux ?

Un petit rire amusé retentit de la bouche d’Ismarah qui répliqua alors :

—   J’ai l’impression que plus je me mets au soleil, plus mes cheveux blanchissent. Mais je ne suis plus tout jeune de toute façon. Bientôt les quarante ans.

—   C’est une belle vie que vous avez là.

—   Oui, je n’ai pas à m’en plaindre. Une femme que j’aime, quatre adorables enfants, une maison en parfait état. J’ai tout ce que je désirais.

Hilmira hocha la tête et observa Ismarah d’un air envieux. Son officier avait l’air heureux, et pourtant il n’était pas le plus riche des hommes, mais il savait se contenter de ce qu’il avait. Le Seigneur, quant à lui, malgré toutes les richesses qu’il avait à disposition, ne trouvait nul bonheur. Il avait perdu l’amour de sa fille ainée, Layra, qui lui avait tourné le dos depuis qu’il l’avait forcé à épouser un homme qu’elle n’aimait guère. Fort heureusement, il lui restait sa fille cadette, Mayaka. Mais celle-ci était de plus en plus faible et malade, et Hilmira craignait qu’elle meurt à tout moment.

Elle logeait dans une maison confortable qu’il lui avait achetée, et où elle habitait avec son mari ainsi que ses enfants. Le Seigneur lui rendait visite chaque jour, espérant la voir guérir chaque fois qu’il la voyait. Mais tout le contraire se déroulait : elle devenait de plus en plus livide. Il se posait la question s’il n’était pas responsable de cette étrange maladie qui attaquait sa fille, si sa malédiction n’agissait pas sur elle, car même les médecins ne parvenaient pas à poser un diagnostique quant à sa faiblesse inquiétante.

 

Hilmira prit une grande inspiration et expira un bon coup. Il inclina la tête à l’égard de son officier et lui ordonna d’une voix calme :

—   Faites le tour de la maison, s’il-vous-plaît, et allez voir du côté de ma fille également.

—   Bien, Seigneur Balertt, répondit Ismarah en tirant une petite révérence.

L’officier quitta aussitôt les lieux, et Hilmira le suivit du regard. Il devait incessamment vérifier les alentours de son habitat car beaucoup de bandits étaient tentés de dérober ses biens, ainsi que ceux de sa fille. Mais il ne parvenait plus à trouver la forcer de chasser les voyous, ni même de faire preuve de force à leur égard pour les intimider : lui-même s’affaiblissait avec le temps.

Seul dans sa chambre, Hilmira soupira un bon coup puis bascula la tête en arrière, les yeux fermés. Il resta ainsi quelques secondes avant qu’un curieux murmure l’interpela. Il ouvrit les paupières et sentit un courant d’air frais effleurer son dos.

Son cœur se mit à palpiter au creux de ses côtes. Sa respiration s’accéléra. Ses yeux s’arrondirent d’effroi.

—   Qui-… qui est là ? demanda-t-il d’une voix fébrile.

Un rire terrifiant résonna dans un coin de la chambre. Hilmira y riva son regard et croisa une mystérieuse silhouette noire, dont on ne voyait ni yeux, ni bouche, seulement quelques courbes qui suggéraient qu’il s’agissait d’une femme. Le Seigneur fit un pas en arrière, serra ses doigts sur le bord de son bureau et l’interrogea :

—   Que-… que me voulez-vous… ?

L’inconnue ne répondit pas. Un nouveau courant d’air frais caressa la nuque du sexagénaire qui se mit à trembler comme une feuille.

—   Que-… que voulez-vous… ? répéta-t-il, la gorge nouée par la peur.

Un œil s’ouvrit. Un œil entièrement violet aux lueurs noires. Hilmira déglutit difficilement et continua à observer la mystérieuse silhouette, prêt à fuir à tout moment.

Un autre œil s’ouvrit. Puis un autre encore. Encore un. Huit yeux ornaient le visage qui s’était déformé. Le corps se métamorphosait lui aussi pour arborer une allure plus intimidante et monstrueuse.

Un grand sourire étrange fendit l’obscurité de la silhouette et déploya une singulière lumière violacée. Les murmures s’intensifièrent. Hilmira se pétrifia, figé par la terreur, mais également fasciné par le spectacle qui s’offrait à lui.

Cependant, lorsque la silhouette s’approcha de lui, le Seigneur hurla de peur et déguerpit aussitôt les lieux. Il longea le couloir à vive allure, courant à une vitesse incroyable que lui-même se pensait incapable d’atteindre à son âge. Les domestiques l’observèrent d’un air intrigué à son passage, mais Hilmira les ignora pour continuer de fuir, comme s’il avait cette désagréable sensation que la silhouette le suivait. Mais les domestiques, quant à eux, ne voyaient rien de ce que pouvait percevoir le Seigneur.

 

Il sortit en trombe dans le jardin de son habitat et s’effondra sur l’herbe, essoufflé, à bout de forces. Sa respiration était lourde et difficile, et il peinait à inspirer sous la pression de son propre poids sur le sol. Un sifflement retentit ensuite lorsqu’il expira.

Tout son corps tremblait. Il avait terriblement chaud, comme s’il avait couru plusieurs longs kilomètres dans le désert de Khabora, et la sueur maculait abondamment son dos ainsi que son buste.

Il avait l’impression d’encore voir la silhouette. De pouvoir la cerner malgré la lumière du soleil qui illuminait le jardin. Il percevait toujours ses yeux violets qui étaient comme ancrés dans sa vision, son sourire étrange déchirer l’horizon de ses lueurs violacées. Il pouvait sentir sa présence, si loin et proche de lui à la fois, comme si cette silhouette était autour de lui… et en son âme.

Il resta un moment ainsi, allongé sur le sol, la tête plongée dans l’herbe. Il n’avait plus la force de faire quoi que ce soit, même de se relever : il désirait juste se ressourcer en écoutant le chant de la douce brise frôler ses oreilles.

 

Après quoi, il sentit une présence près de lui. Mais celle-ci irradiait quelque chose de plus chaleureux et rassurant que l’étrange silhouette. Hilmira redressa la tête et aperçut le visage de son esclave qui l’observait d’un air confus.

—   Loneron…, murmura le Seigneur.

Un sourire béat écarta les lèvres du sexagénaire, qui profita de la proximité de son esclave pour contempler sa beauté. L’elfe avait de beaux yeux en amande et aux couleurs de la Lune, une peau blafarde avec quelques nuances de bleu pâle ainsi qu’une longue chevelure aussi blanche que la neige, agrémentée de quelques mèches argentées. Mais ce qu’appréciait davantage le Seigneur, c’était son visage qui paraissait à la fois viril et féminin, un parfait mélange entre les traits carrés d’un homme et la douceur de ceux d’une femme. Un mélange qui lui faisait rappeler son amour d’antan, Nazario.

—   Loneron… aide-moi à me relever… exigea calmement le Seigneur en lui tendant sa main.

L’esclave hocha la tête en guise de réponse et aida son maître à se redresser. Une fois debout, Hilmira s’étira puis poussa un soupir de soulagement. Lorsque ses yeux revinrent sur l’elfe, il esquissa un nouveau sourire et dressa sa main pour caresser son visage avec beaucoup de délicatesse.

Loneron se laissa faire, stoïque, le regard plongé dans celui de son maître. Malgré l’indifférence de son esclave, le Seigneur poursuivit ses caresses et susurra :

—   Tu es magnifique….

L’elfe ne répondit pas et inclina la tête en guise de remerciement.

—   Tu te promenais ? demanda-t-il ensuite.

—   Oui, maître, finit-t-il par répondre.

—   Ne reste pas trop au soleil, tu vas te brûler. Tu feras un gommage tout à l’heure. Et un soin pour la peau. La tienne est sèche. Je n’aime pas caresser ta peau lorsqu’elle est sèche, tu le sais bien.

—   C’est l’été, maître. Mon espèce se déshydrate rapidement l’été.

—   Et tu n’as pas assez d’eau ? s’enquit-il en penchant la tête sur le côté, l’air soucieux quant au bien-être de son esclave.

—   Non, maître.

—   Il va falloir y remédier.

Hilmira s’approcha de l’elfe et lui déroba un doux baiser sur les lèvres. Loneron l’embrassa en retour avec un peu de réserve, ne faisant qu’obéir aux désirs de son maître. Le Seigneur prolongea son baiser qui devint alors plus langoureux et passionné, dévorant les douces lèvres de son esclave tel un drogué qui savourait cette source dont il était épris. Ses mains se promenèrent sur les courbes masculines et fines de l’elfe et descendirent progressivement pour taquiner son fessier.

Loneron se figea de plus en plus, comme s’il était nerveux, rebuté, mais qu’il s’obligeait encore à répondre aux besoins de Hilmira. Malgré tout, ce dernier laissa son désir s’exprimer et il lui chuchota au creux de l’oreille :

—   Va prendre ton bain, et faire tes soins. Rejoins-moi après, quand tu auras fini.

Loneron hocha fébrilement la tête en guise de réponse puis se dirigea aussitôt vers l’intérieur de l’habitat. Le Seigneur le suivit du regard et en profita pour le toiser, contemplant chacune de ses courbes qui transparaissaient au travers de ses vêtements blancs qui lui serraient un peu. Il se mordit la lèvre inférieure lorsqu’il s’arrêta sur son fessier, s’adonnant à quelques fantasmes qui l’émoustillaient et l’excitaient davantage.

Lorsque la silhouette de Loneron disparut, Hilmira soupira, soulagé, heureux, comme s’il avait déjà oublié l’étrange créature qu’il avait rencontrée il y a quelques minutes à peine. Mais celle-ci n’attendit pas longtemps avant de se manifester à nouveau.

Des rires. Des murmures. Une caresse froide. Le cauchemar se répéta. Et plus les jours passaient, plus il s’intensifiait.

Hilmira se retourna, lentement, sentant une présence étrange se faire derrière lui. Une nouvelle créature, à la mâchoire déboîtée, sans yeux, les membres difformes et fins, se tenait derrière lui. Le Seigneur hurla à nouveau de peur. Mais il ne put pas s’enfuir, cette fois-ci. Un vertige s’empara de lui. Il se sentit vriller rapidement. Sa vision s’occulta petit à petit.

Il s’écroula sur le sol en poussant un gémissement de douleur. Il ne pouvait plus bouger, ni parler. Il était impuissant face à l’étrange silhouette qui s’approchait de lui.

Les murmures s’amplifièrent. Une souffrance soudaine pulsa au creux de ses côtes et se répandit rapidement dans tout son corps.

Lorsqu’il sentit une brise glaciale l’effleurer, il se mit à convulser violemment. Il toussa à maintes reprises, difficilement, ses poumons compressés sous le poids de son corps, et cracha du sang. Il leva difficilement les yeux et perçut dans une dernière lueur de conscience le visage horrifiant du monstre.

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