Hémoée sortit de son œuf et poussa un long soupir, les cœurs battants. Un mal de tête horrible pulsait dans son crâne. Le goût acide du jus de grenade rongeait encore sa langue et son palais. Le jeune chérubin n'en était pas à sa première cuite, mais celle imposée par Vélinel était bien pire que ses habituelles bêtises d'adolescent. Hémoée ouvrit sa valise et en sortit un tissu blanc très fin, brodé de motifs. El posa ce talisman sur son front et le laissa pénétrer en el pour soulager sa migraine. Alors qu'el fermait les yeux, attendant le soulagement, el revit alors la fin d'un monde.
Rhéa.
Rhéa avait toujours fasciné Hémoée. La géante gazeuse, toute bleue et striée de nuages blancs, était d'une beauté à couper de souffle. Les créatures qui vivaient dans son atmosphère étaient si uniques, si gracieuses. Leur hod et leur netzach, leur esprit et leurs émotions, étaient bien plus élevés que ceux des muffalos de Miel. Ainsi, Hémoée avait souvent rêvé de travailler là-bas.
Puis el avait vu le monde se faire dévorer.
Nakirée n'avait pas été le seul à voir cette catastrophe se dérouler sous ses yeux, sans rien pouvoir y faire. L'adolescent trop curieux n'avait pu laisser son père découvrir seul la vérité. Vélinel n'avait pas objecté, au contraire.
Encore hanté, Hémoée s'habilla de son traditionnel uniforme gris de chérubin novice.
Prêt, el descendit des escaliers en colimaçon pour descendre dans le salon de sa mère, Emersande. L'endroit, décoré d'or et de citrine, était bondé. Autour de l'azoha-mère, de jeunes et belles demoiselles rassemblaient une vingtaines d'angelots pendant que les gardiens emballaient leurs affaires. Au centre, Emersande était concentrée dans une discussion avec un grand séraphin noir. Elle portait encore son voile intégral mais avait révélé son visage. Son expression était fermée, sévère mais déterminée.
— Mère, appela Hémoée.
Emersande leva son regard sur son fils. Immédiatement, elle quitta sa suite et emmena Hémoée dans une salle adjacente, vide.
— Comment tu te sens ? demanda l'azoha. As-tu préparé tes affaires ?
— Mère…
— Tu as intérêt à ne rien oublier. Une fois parti on ne fera plus demi-tour...
— Où allons nous ? interrompit le jeune chérubin.
Emersande sourit, les yeux remplis de joie.
— Nous allons voir les élohim d'un système voisin.
— Pourquoi faire ?
— C'est une visite de courtoisie et de représentation, expliqua Emersande. Maintenant que le trône de Sicad a enfin été reprit par Miel, nous devons lancer des opérations diplomatiques pour solidifier son ascension.
Hémoée resta quelques secondes pantois. De toute sa courte vie, el n'avait jamais entendu parler de ce genre de visites parmi les azohim. Ces dernières étaient normalement confinées au Sanctuaire, voir au gynécée. Depuis quand faisaient elles des voyages diplomatiques ?
— Mère, tu es sûre ? Ce n'est pas plutôt une évacuation à cause de la horde ?
— Bien sûr que non, s'agaça Emersande. La horde est partie, les étoiles sont revenues. Tu l'as bien vu !
Hémoée sentit sa petite boule de cristal chauffer dans la poche de sa veste.
— Je dois partir, dit-el.
Emersande leva un sourcil circonspect.
— Pour quoi faire ? demanda-t-elle sèchement.
— Je vais voir Casper.
— Casper sera du voyage. Tu aura tout le temps de jouer avec el pendant le trajet. As-tu préparé tes affaires ?
— Oui, oui. Je suis prêt, donc je peux aller le rejoindre non ?
Emersande soupira, croisa ses bras. Dans ses yeux noisette, Hémoée décela un éclat de stress.
— Très bien, va donc le voir, accepta-t-elle. Mais ne sors pas du gynécée, comprit ? L'embarquement est prévu dans une heure et demi. Assure toi d'être au hangar à temps.
— Oui, mère.
Hémoée s'inclina devant sa mère puis el s'envola dans le gynécée. Son mal de tête persistait. La lumière des lustres et des chandeliers lui semblait plus intense que d'habitude. Le brouhaha du gynécée s'abattit sur el comme une vague contre des rochers marins, explosant en écume. A tire d'aile, le jeune chérubin slaloma entre les azohim et les gardiens, qui circulaient dans tous les sens. Tous portaient des valises, des sacs et cartons remplis de toutes leurs affaires. Les gardiens en particulier, manœuvraient des chariots pour descendre tout cela vers le hangar.
On va partir. On va tous partir.
Il était impossible que tout le gynécée parte ainsi en voyage diplomatique. Cela ne se faisait tout simplement pas, du moins pas ici, au fin fond de Malkouth. Hémoée contempla les gardiens, essayant de déceler la vérité dans leurs yeux dorés. Parmi eux, il n'y avait plus que des gens de l'évêque Burrhus. Els portaient de grands chasubles ornés d'un trident doré. Par le passé, Hémoée s'était souvent demandé pourquoi ces séraphins ne portaient pas le symbole de Malkouth plutôt que celui de Kether. Les kethériens étaient connus pour leur attachement leur royaume, celui de la Couronne, où se trouvait l'âme d'EL en personne. Mais tout de même, ces étrangers ne comptaient-els pas s'intégrer ici ? Ce n'est qu'au vu des évènements récents qu'Hémoée commençait à comprendre.
Hémoée se concentra. Avancer vers le puits central pour rejoindre le hangar devint plus difficile. Des hordes d'enfants s'apprêtaient à descendre et un bouchon se créa. Les petits hurlaient, pleuraient et virevoltaient dans tous les sens avec leurs ailes minuscules. Leurs mères azohim criaient pour les faire obéir, les tirant pour les faire revenir sagement au sol. Hémoée soupira, son mal de tête aggravé par le brouhaha. Le gynécée avait toujours été un endroit bruyant et chaotique. Hémoée avait enduré ce bazar toute sa courte vie. Mais ce soir, dans le secret et la peur, el eut l'impression d'étouffer.
Par EL... Qu'EL et les sept nous viennent en aide...
Une évacuation était de toute évidence en cours. L'arrivée de la horde était inévitable après la chute de Rhéa. Hors les gardiens descendaient toutes les possessions des azohim et de leurs gosses vers le hangar principal où disait-on, des navettes géantes attendaient leurs passagers. Pourquoi perdre tant de temps face à l'arrivée imminente d'une horde ?
Els ne veulent pas faire paniquer tout le monde, pensa Hémoée. On évacue enfin mais...
Hémoée, après avoir vu Rhéa, s'attendait à un tel dénouement, peu importe les mensonges que Burrhus et Miel avaient fait passer à tous les élohim. Les étoiles étaient réapparues oui, mais ce n'était qu'une accalmie avant la tempête mortifère. Hémoée avait vu. El avait vu. Rhéa puis Vélinel, Garviel, Pomiel, s'enfuir avec leurs troupes. Tout le monde le savait. Les azohim n'étaient pas dupes. Les command'ailes prétendaient pourtant que tout allait encore bien. Que la horde était passée. Pourtant il fallait partir, quitter tous ensemble le Sanctuaire. Pour aller où ? Aucune idée. Face au mensonge évident, au paradoxe, les azohim auraient dû se révolter et protester comme elles s'avaient si bien le faire au quotidien. Pourtant, ce soir, elles étaient soudain devenues très obéissantes. Comme Emersande, elles semblaient savoir, comprendre, accepter.
C'était cela qui dérangeait le plus Hémoée.
Finit les coups de savate sur les gardiens, les réprimandes et les complaintes. Les azohim suivaient les ordres sans broncher. D'habitude, leurs interactions ressemblaient plutôt à ceci :
"Quand arrive le modiste ? El est en retard !". "Comment ça la salle visio est en panne ? J'ai rendez-vous avec mon mari dans vingt minutes et vous me dites ça maintenant ?". "Quoi ? Je suis pas assignée à la nurserie aujourd'hui je vous le rappelle". "Laissez moi tranquille bande d'incompétents."
Finit même les batailles intestines entre les mères et les matriarches pour déterminer lesquels de leurs fils étaient les meilleurs, lesquels avaient les plus grands succès dans leur carrière au-dehors du harem, de la prison dorée. La vie des azohim recluses était rythmées par celles de leurs enfants, Hémoée l'avait comprit bien vite. Toute son enfance, et durant son adolescence encore, el n'avait pensé qu'à une chose, quitter le gynécée pour découvrir le monde. Et el imaginait que les azohim ressentaient cela aussi, au fond d'elles. Hors elles ne pouvaient satisfaire leur besoin de liberté. EL avait interdit aux azohim de quitter les Sanctuaires. L'amertume qu'elles infligeaient à leurs gardiens ne pouvait venir que de là.
Peut être était ce pour cela qu'elles collaboraient aujourd'hui. Peu importe le contexte, elles s'envolaient, enfin vers l'ailleurs.
Qu'EL les bénisse, pensa Hémoée. Qu'EL bénisse et protège maman.
Le jeune chérubin aurait el-même veillé sur Emersande habituellement. Mais ce soir là, el la fuit, la confiant implicitement aux gardiens venus de Kether. Car quelqu'un d'autre avait besoin d'el plus que tout.
J'arrive papa.
Après de longues minutes, Hémoée accéda enfin au puits central du gynécée et déploya ses ailes pour descendre. Mais au lieu de suivre la foule, el se glissa sur le coté et accéda à une petite terrasse, sorte de perchoir qui donnait une vue imprenable sur les étages inférieurs de la tour-nid. Là, une dizaine de jeunes chérubins s'amusaient à se pendre à l'envers grâce à leurs serres chimériques. Quelques élohim d'autres chœurs s'amusait aussi là, avec eux.
— Hémoée ! Hémoée ! s'écrièrent les jeunes élohim en guise de salutation.
— C'est bon ? Vous avez la clé ? leur demanda Hémoée.
— Oui !
Hémoée applaudit et le jeune séraphin Caspérion, son demi-frère, agita un trousseau de clés orné d'un pompon rose. Caspérion était el aussi fils de Miel, mais el était issu de son épouse principale et favorite, Lolana. Miel, un ange, avait donc engendré un enfant d'un chœur différent, un privilège seulement accordé aux archanges selon la loi du Grand Architecte.
Caspérion resta tout timide, la tête baissée. Hémoée lui fit une accolade.
— Tu es courageux Casper, bravo ! Grâce à toi nous allons pouvoir découvrir la vérité.
— Tu es sûr qu'on peut laisser nos mamans comme ça ? demanda un autre chérubin.
— Oui. Il ne leur sera fait aucun mal. C'est une bonne chose qu'elles partent. Els seront évacuées loin de la horde. Miel et Burrhus sont peut être malhonnêtes, mais els ne laisseraient pas leurs troupes et leurs familles mourir bien sûr.
Les jeunes approuvèrent cette déduction logique, mais leurs gestes tremblants trahirent leur incertitude.
— J'ai peur, avoua un des chérubins.
— Si t'as peur retourne auprès de ta mère, dit Hémoée. Mais ne lui dit rien de notre plan, c'est clair ?
— Oui. Oui mais attend, je reste avec toi.
— Décidez vous tous maintenant, dit Hémoée. Car après ça sera trop tard.
Les jeunes élohim échangèrent des regards inquiets.
— Nous devons découvrir la vérité, décidèrent-els finalement. Ainsi nous saurons mieux protéger nos familles.
— Descendons au hangar, ordonna Hémoée. Tout le monde à bien comprit le plan ?
— Oui !
La dizaine d'adolescents déployèrent leurs ailes pour descendre en groupe dans le puits de lumière. En quelques minutes, els arrivèrent dans le hangar du gynécée, où étaient garés des centaines de véhicules de toute taille. Comme prévu, des milliers de navettes avaient été amenées ici. Dans une heures, elles s'envoleraient avec tous les élohim et azohim du Sanctuaire pour rejoindre les vaisseaux spatiaux qui stationnaient pour le moment dans la haute atmosphère de Sicad. Alors qu'el et ses camarades progressaient dans le hangar, Hémoée scruta la sortie de ce grand garage et aperçut ces immenses vaisseaux tout là haut. Ces véhicules oblongs étaient faits de lumière pure et opaque. Ils pouvaient donc voyager à la vitesse de la lumière. Mais leur particularité était qu'els pouvaient aussi traverser les portails créés par les ophanim pour se téléporter n'importe où dans l'univers en un instant. Leur taille astronomique était difficile à appréhender.
— Le plus gros fait cinq kilomètres de long, expliqua Casper, qui partageait un intérêt pour les véhicules avec, étonnamment, sa mère-azoha. Mais en vrai c'est loin d'être le plus gros qui existe. A Eden, els ont des vaisseaux de la taille de notre Sicad elle-même ! Vous imaginez ?
Hémoée sentit une vague de joie envelopper ses cœurs. En temps normal, el aurait sourit et posé mille questions sur ces vaisseaux. Mais aujourd'hui, ses épaules et ses ailes souffraient trop sous le poids de l'appréhension. Le visage fermé, les regards déterminés, Hémoée demanda à Casper de conduire la troupe vers le vaisseau qu'els cherchaient. Après quelques minutes où els volèrent en rond, le jeune séraphin repéra enfin la navette de sa mère, Lolana. le petit vaisseau, long et étroit, faisait penser à une limousine. El était peint en mauve et en rose, couleurs caractéristiques de son époux, Miel, qui lui avait offert ce véhicule.
— Maman a pas le droit de le conduire évidemment, du coup c'est moi qui fait le chauffeur à chaque fois, ria Casper en agitant les clés à pompon du véhicule.
— Et tu l'emmène où avec ça ? demanda un des chérubins de la troupe.
— On se ballade dans les jardins suspendus du Sanctuaire souvent, expliqua Casper. Enfin, on visite tout ce qu'on peux visiter là-dedans.
Autour du vaisseau rose, des dizaines d'autres véhicules colorés, voire artistiques, stationnaient. Des chérubins montaient à l'intérieur pour les faire entrer dans un plus gros vaisseau cargo. Ainsi, toute la flotte de Lolana serait amenée, EL seul savait où. Cela n'avait aucun sens, que ce soit pour une visite diplomatique ou une évacuation. Hémoée soupira, aussi confus qu'apeuré.
— Lolana collectionne les vaisseaux c'est ça ? demanda le jeune chérubin à son frère.
— Oui. Ce petit bijoux n'est qu'un parmi sa collection, mais c'est le seul qui peux voler jusqu'à la stratosphère par lui-même. Enfin, vous voyez ce que je veux dire ?
Les jeunes élohim acquiescèrent. Casper ouvrit les portières du petit vaisseau et la troupe s'y installa. Alors qu'el prenait place au siège du conducteur, Casper fut invectivé par un chérubin au-dehors, un des techniciens qui rangeaient les autres vaisseaux de Lolana. Casper baissa sa vitre et expliqua au chérubin qu'el amènerait el-même ce véhicule aux vaisseaux tout là haut dans le ciel. El agita la clé et son pompon rose, assurant qu'el avait l'autorisation de sa mère-azoha. Le chérubin finit par laisser les adolescents à leur mission et dégagea même un passage pour leur permettre de décoller. Casper saisit l'anneau de cristal qui servait de volant et en un instant, la troupe monta dans le ciel de Sicad.
— Youhouu ! s'écrièrent les jeunes élohim.
Hémoée se força à les imiter, cachant sa peur. Sous le vaisseau, el vit la surface s'éloigner rapidement. Le grand Sanctuaire et ses centaines de tours, la vallée verdoyante et les monolithes noirs au milieu. Bientôt, les jeunes élohim attinrent le sommet du Sanctuaire, de sa tour principale d'où les âmes des mortels s'envolaient vers le firmament pour rejoindre la prochaine phase de leur existence. Hémoée se pencha et scruta les valves.
Père, où es-tu ?
— El n'est pas là, constata Casper.
— El ne devrait pas tarder, dit Hémoée.
C'est alors qu'une silhouette se profila à l'embouchure du puits, toute petite, enveloppée par la lumière aveuglante des âmes. Hémoée passa sa tête à l'extérieur pour l'appeler. Mais de ses regards clairvoyants, el vit tout de suite que la silhouette n'était pas celle de son père. Non. L'individu, couvert de la tête aux pieds, avait des ailes translucides. C'était de toute évidence une azoha. Cette dernière tendit la main vers le vaisseau et soudain, ce dernier décrocha et tomba vers le puits. Les élohim crièrent alors que Casper, qui avait vu la surprise d'Hémoée dans ses centaines d'yeux, lutta pour maintenir le vaisseau en altitude.
— Par EL ! C'est ta mère ? La mienne ? C'est qui ? paniqua Hémoée.
— Je sais pas mais elle est en train de tirer sur le vaisseau je sais pas comment !
— Tirer sur le vaisseau ?!
— Quelque chose force les moteurs à se couper !
Le vaisseau se mit à rebondir sur l'air chaud du rayon des âmes, a mesure que les moteurs luminiques s'activaient et se désactivaient. Les secousses violentes firent paniquer les jeunes élohim.
— Sortez ! Sortez ! ordonna alors Hémoée.
— Plan B ! s'écria Casper. Diversion ! Diversion !
Casper et les autres adolescents sortirent du vaisseaux et descendirent vers l'azoha. Seul Hémoée resta à bord. El attrapa le volant et s'accroupit pour ne pas être vu. El ouvrit grand les yeux et récita :
"Psychopompe, donne moi ta Clairvoyance
Euthanatos, aide moi, le voleur de savoirs
Pardonne mes blasphèmes car els ne sont là que pour sauver les élohim
Bénit moi et je deviendrai ton serviteur pour l'éternité"
Hémoée projeta les flammes bleues de son halo vers le cœur de cristal du vaisseau. Son esprit entra à l'intérieur. El vit tous les flux de lumière qui alimentaient la navette, ses moteurs, ses systèmes. Les courants lumineux se bloquaient et de débloquaient, alors que la structure du cristal vibrait. Hémoée récita un des rituels Interracs qu'el avait apprit en secret dans les grimoires de son père. Par la force de son esprit, el dénoua et renoua les fils de la réalité. Les mystères se révélèrent. La lumière n'entrait plus dans le cœur de cristal, les artères et les veines qui y menaient étaient pincées, bouchées par une force invisible. Le vaisseau suffoquait peu à peu. Alors Hémoée concentra et canalisa sa volonté. Récitant un chant antique, el essaya de forcer les tubes à rester bien ouverts. Mais ses efforts ne firent que peu d'effets. La force opposée était trop puissante.
Mais une voix providentielle résonna enfin :
— Euthanatos, bénit mon fils !
— Père ! appela Hémoée.
— Récite avec moi !
"EL a maudit la force d'AZ ! Maudit la force d'AZ ! Le blasphème du cristal touché !"
Confus, Hémoée répéta cela sans comprendre. Peu à peu, Nakirée ordonna à son tour les fils de la réalité pour reprendre contrôle du vaisseau. En un éclair, ce dernier s'éleva de nouveau de l'atmosphère à une vitesse folle. Nakirée était entré dans l'habitacle, Hémoée ne sut dire quand et comment. El lança des regards paniqués à son père.
— Le plan A a capoté mais le plan B est en cours ! encouragea Nakirée. On y est presque !
— C'était qui en bas là ?!
— C'était ta mère, dit Nakirée en restant concentré sur le pilotage du vaisseau.
— Qu'a-t-elle fait à notre navette ?!
— C'est une longue histoire, dit Nakirée. Je t'expliquerai une fois qu'on t'aura initié.
— Initié ?
— Initié en tant qu'Interracs.
Hémoée fut distrait un instant par une vision de son avenir. El s'imagina dans les couloirs sombres de la Chokmah, si haut dans la Création. Alors qu'el quittait Sicad, sûrement pour de bon, un monde alien se profila à son imagination. Mais soudain, un mur de ténèbres bloqua sa vision.
— Il nous faut atteindre la première orbite des ophanim, dit Nakirée.
— Père, que ferons nous si…
— Tout ira bien, coupa Nakirée. Tu te souviens du plan C ?
— Oui.
— Et bien si jamais… on passe au plan C.
Hémoée revit Rhéa, Rhéa la dévorée. Les ténèbres envahirent son esprit, balayant le reste de ses pensées. Agrippé à l'accoudoir du siège passager, Hémoée se tint prêt.